
Ceci est une tribune du Dr Mamadou Hebié
1. Je lis avec beaucoup de dépit les confessions de filous qui circulent sur la toile : 50 millions par-ci, 80 millions par-là, le pillage des fonds de la LONAB et sans oublier l’histoire, il n’y a pas si longtemps, des villas qu’on voulait attribuer aux forces spéciales … Lorsque toute la vérité va sortir, ces informations qui suscitent autant d’émoi nous paraîtront ridicules comparées à la réalité du pillage organisé des ressources publiques qui ont eu lieu pendant ces périodes de putsch et de transition militaire. Mais aussi légitime que soit cette indignation, ce serait une erreur de logique d’ attribuer ces prédations des finances publiques au seul Damiba. A vrai dire, le pillage organisé des ressources publiques est une conséquence inhérente aux coups d’Etat, tous sans exception.
2. Premièrement, un coup d’Etat requiert nécessairement de rétribuer les sponsors civils et militaires du coup d’Etat ainsi que les soldats qui se sont exposés à la mort et à la prison pour le succès du coup d’Etat. Pourtant, aucune ligne budgétaire n’existe dans les règles ordinaires des finances publiques pour l’octroi de telles prébendes. La corruption, le détournement, le pillage de l’argent public est dès lors une nécessité pour pouvoir asseoir son pouvoir illégitime ; et cela tient à l’origine illégale même de celui-ci. L’autre alternative consiste à trouver du financement auprès de sponsors étrangers au coup d’Etat, soit à l’interne dans le pays ou à l’extérieur. La conséquence reste toujours la même: les dirigeants putschistes se retrouvent dès les premières heures redevables à des tiers- non élus, saisis par les serres de l’argent et devant concéder des marchés, des faveurs, des avantages administratifs, etc. au détriment d’une gestion saine et rigoureuse des ressources publiques. Ceux qui s’intéressent à ces questions peuvent lire la section sur la RDC dans l’ouvrage de Tom Burgis, La machine à piller… Les mêmes causes produisent les mêmes effets dans les mêmes conditions de pression et de température…
3. Deuxièmement, un pouvoir issu d’un coup d’Etat est par définition instable. Il requiert toujours d’acquérir de nouvelles loyautés et de consolider les anciennes. Aucune ligne budgétaire ordinaire n’existe pourtant pour ces dépenses. Un coup d’Etat, surtout dans le contexte du Burkina Faso, est toujours la prise du pouvoir par une faction de l’armée (très souvent la plus audacieuse et la plus déterminée) contre d’autres factions, afin de remporter une contradiction au sein de l’armée. Il y a évidemment les coups d’Etat motivés seulement par l’hubris, les ambitions personnelles, mais même celles-ci peuvent s’inscrire dans le cadre de ces contradictions internes, basses certainement, mais contradictions tout de même. Puisque l’armée doit être assujettie au pouvoir civil, prendre le contrôle de l’appareil civil et politique devient en un mot le joker pour triompher des factions existantes… Cependant, la prise du pouvoir n’éteint pas ces contradictions ; d’où l’accent mis, dès le début de tout coup d’Etat, sur la sécurité, la consolidation et la stabilisation du pouvoir usurpée ; les allégations de velléités et de tentatives plus ou moins réelles de déstabilisation etc… Dans ce contexte, acquérir de nouvelles légitimités, des relations à l’interne ou à l’extérieur, par des intermédiaires spécialistes des officines secrètes demeure toujours une nécessité. Et ce sont les caisses publiques qui paient les factures.
4. Troisièmement, tout putschiste ressent toujours la nécessité de se constituer son propre « parachute dorée ». En effet, un jour ou l’autre, on sifflera la fin de la récréation ; soit par un autre putsch ou par l’organisation d’élections. L’histoire de la transition de 2014-2015 nous a appris que même les arrangements que les uns et les autres peuvent faire avec des partis politiques, surtout celui qui serait victorieux après des élections, ne tiennent que pendant la durée de la transmission du pouvoir. En effet, les nouveaux venus ont tout intérêt à clouer au pilori le régime précédent pour cacher leurs propres défaillances ou pour éviter que ceux qui ont déjà fait un coup d’Etat retournent à leur mauvaise manière de s’asseoir, à s’avoir en récidivant. Ici aussi, aucune ligne budgétaire n’est prévue pour ces besoins de se mettre à l’abri. Si le président putschiste peut espérer bénéficier de certains avantages liés au statut d’ancien président, ses accompagnateurs sont eux susceptibles de poursuites pénales, de brimades, de sanctions administratives dans leurs carrières ; eux qui devront retourner dans une armée dont ils ont violé les codes de conduite et les règlements, d’une part, et à des supérieurs hiérarchiques qu’ils ont désobéi, d’autre part.
5. En un mot comme en mille, il y aura ici aussi nécessité de se constituer un parachute pour les périodes de vaches maigres qui vont nécessairement arriver. Cependant, aucune ligne budgétaire n’est prévue pour de telles budgétaires. Ici le parachute peut prendre la forme du pillage des ressources publiques ; il peut également résulter de la prise d’intérêts dans des entreprises économiques, au Burkina ou à l’étranger ; il peut aussi tourner autour de l’acquisition de biens mobiliers ou immobiliers, ici encore au Burkina ou à l’étranger ; tout ceci aux frais de la princesse.
6. On me rétorquera que même des régimes issus d’élections dans le cadre d’Etats stables font face à de telles pressions : les prébendes politiques pour les financiers des élections, les financements occultes pour acheter ou maintenir des allégeances, les prises illégales d’intérêt et la patrimonialisation de l’argent de l’Etat pour la période des vaches maigres. Il y a deux réponses à cet argument. D’une part, ces pratiques ne sont pas le corollaire du mode d’accession au pouvoir. Elles trouvent leurs origines dans la carence morale individuelle, la faiblesse de nos institutions de contrôle, et de manière plus générale, une certaine tolérance de la société face à ces pratiques mafieuses. Elles doivent être sanctionnées promptement avec la dernière énergie pour discipliner les individus. C’est en cela que l’Etat participe à l’érection de la vertu et de la morale citoyennes.
7. D’autre part, l’Etat de droit est un processus. Comme un enfant, l’Etat de droit naît, marche à quatre pattes, titube, avant de se tenir et se déployer toute sa vigueur. Qu’il balbutie ses premiers mots ne peut pas être une excuse pour se jeter dans l’instabilité et l’incohérence institutionnelles ou dans la désorganisation administrative inhérente aux régimes putschistes et aux pratiques mafieuses, allant du pillage au holdup contre l’Etat, les institutions et collectivités publiques.
8. Au final, tous ceux qui s’indignent face aux pratiques de Damiba doivent s’attendre à de similaires pratiques sous IB, malgré ses airs bien sympathiques. Dans un cas comme dans l’autre, mon point de vue reste le même : un retour rapide à un pouvoir institutionnel légitime et efficace. Dans une conférence organisée récemment par le Balai citoyen, j’ai eu l’occasion d’expliquer pourquoi une conférence nationale souveraine me paraissait indispensable dans la situation actuelle du Burkina Faso. Je ferai le résumé de ma communication sur cette page dans les jours prochains.
9. Une conférence nationale souveraine s’articulerait sur le trépied suivante : (1) Etablir un organe souverain de discussion et de décisions pour trouver une solution consensuelle à la crise multiforme qui secoue notre pays, notamment ses lignes de tension religieuse, ethnique et régionale qui traversent notre pays; (2) Etablir un gouvernement compétent, audacieux, axé sur le résultat, légitime et consensuel pour s’attaquer aux défis de l’heure, notamment la crise économique, la crise des déplacés internes, la crise de la production agricole, etc., et (3) Un comité de refondation de l’armée placée sous l’autorité de la conférence nationale souveraine. Elle permettra de renvoyer l’armée à ce qu’elle sait faire de mieux et pour laquelle elle a été formée aux frais du contribuable, à savoir créer une force humaine disciplinée, aguerrie, prête à défendre, au prix de la vie si nécessaire, nos frontières, notre intégrité territoriale et notre souveraineté. La conférence nationale souveraine imposerait une paix des braves entre les différentes factions qui composent notre armée. À l’exception de ceux qui ont des problèmes avec la justice qui devront répondre de leurs actes, la Conférence veillera à assurer qu’aucune injustice et autres bris de carrière, ne viennent remettre en cause la construction d’une armée moderne, disciplinée, fondée sur les meilleurs principes et règles de l’art.
10. Pour clore, il est évident que nous ne parviendrons jamais à réduire l’attractivité pour les coups d’Etat si on ne parvient pas à annihiler tous les avantages moraux, matériels et immatériels qu’ils procurent à ceux qui s’y adonnent. Quand ceux-ci font le rapport coût-bénéfice, ils doivent facilement constater que le coup d’Etat ne les mènera nulle part. C’est pourquoi tout grade, tout titre, tout enrichissement illicite en lien avec tous les putschs qui ont entaché l’histoire politique burkinabè devra être annulée et les personnes concernées ramenées à leur état avant le putsch. Alors commencera notre marche collective vers l’horizon du bonheur.
eclairinfo.net
Sankara n’a rien fait de tout ce que tu racontes.
Donc IB peut faire comme Sankara.
Tous les Burkinabè ne sont pas des voleurs.
Difficile de dissocier les leaders de MPSR 1 au MPSR 2.
Une belle analyse Cher docteur. J’ai foi que ces pratiques finiront avec l’avènement d’une révolution nationale démocratique et populaire.