
Le tour d’horizon de quelques évènements.
Nous vivons une séquence 2022 qui a commencé en réalité le 14 novembre 2021 à Inata, dans l’ouest de la province du Soum.
Cette attaque a fait plusieurs dizaines de morts parmi les membres de la gendarmerie burkinabè et a été l’élément déclencheur ou accélérateur du putsch du 24 janvier.
Le putsch du 30 septembre 8 mois plus tard, le putsch du capitaine Traoré n’est qu’une clarification de la coalition militaire qui a pris le pouvoir en janvier, le MPSR qui n’a d’ailleurs pas changé de nom.
Les militaires ont invoqué les deux foi “la dégradation continue de la situation sécuritaire” dans le pays.”Nous avons décidé de prendre nos responsabilités, animés d’un seul idéal, la restauration de la sécurité et de l’intégrité de notre territoire”, ont-ils poursuivi.”Notre idéal commun de départ a été trahi par notre leader en qui nous avions placé toute notre confiance.
Loin de libérer les territoires occupés, les zones jadis paisibles sont passées sous contrôle terroriste”, ont-ils encore affirmé.
A son arrivée au pouvoir le 24 janvier, lui aussi par un communiqué lu par des hommes en armes à la télévision, M. Damiba avait promis de faire de la sécurité sa priorité, dans ce pays miné depuis des années par de sanglantes attaques jihadistes.
Mais celles-ci se sont multipliées ces derniers mois, notamment dans le Nord.Manifestations pro-russesDans l’après-midi, plusieurs centaines de personnes, dont certaines brandissaient des drapeaux russes, se sont rassemblées sur la grande place de la Nation à Ouagadougou pour réclamer une coopération militaire avec la Russie, rejeter la présence militaire française au Sahel et exiger le départ du lieutenant-colonel Damiba.
Ces manifestations seront récurrentes pendant quelques semaines.L’influence de Moscou ne cesse de croître dans plusieurs pays d’Afrique francophone ces dernières années et il n’est pas rare de voir des drapeaux russes dans de telles manifestations.
La nouveauté au Burkina, c’est la convergence entre les groupes pro-russes et certains groupuscules islamistes.
Le contexte économique
Secoué par les attaques terroristes depuis 2016, la violence a atteint un pic ces dernières années, mais également pris une nouvelle forme avec la montée en puissance de l’EIGS.
En effet, contrairement à AQMI/JNIM qui essaie de séduire les populations locales à qui ils proposent un modèle de gouvernance alternatif à celui de l’État central, l’EIGS pratique la coercition et la politique de la terre brûlée qui affecte énormément l’économie rurale en razziant le bétail, pillant en brûlant les récoltes, et chassant les populations qui deviennent des PDI dans leur propre pays.
Ajouté à cela le ralentissement économique mondial causé par la COVID-19 suivie par la grève en Ukraine, l’économie du pays est très affectée.L’inflation y est la plus élevée des pays de l’UEMOA, et le pays a perdu plusieurs sources de financements extérieurs du fait des deux coups d’états. Ceux des USA notamment.
Enfin, certains mauvais choix de Roch Marc Christian Kaboré qui n’ont pas été corrigés depuis sa chute, commencent à produire leurs effets.Ainsi du prix des carburants qu’il a massivement subventionnés au lieu de les laisser suivre au moins en partie les prix du marché.
400 milliards de dettes ont ainsi été accumulés à la SONABHI, et on commence à en voir les conséquences.Le gouvernement a lancé une levée de fonds de 150 milliards sur le marché financier de la CEDEAO pour payer une partie de cette dette, mais il a déjà asséché le secteur bancaire national qui n’a pu en prendre 50 sur les 75 milliards d’obligations que l’état voulait leur vendre…
Sur le plan diplomatique et international.
À l’observation, il semble que le MPSR2 est aligné sur la Mali du colonel Goïta.Les frictions avec la France se multiplient et vont crescendo pendant que l’on observe un rapprochement avec le Mali et la Russie.
Les seuls voyages à l’extérieur du premier ministre furent celui en Russie via le Mali, et celui d’Accra pour l’initiative d’Accra à laquelle le Burkina Faso ne veut visiblement pas participer.
Si on reste sur cette tendance, la rupture avec la France et ces alliés, ainsi que l’officialisation d’un partenariat exclusif avec le système russe (état de la fédération de Russie et Wagner) est inévitable.
La seule question, c’est l’incident diplomatique qui en sera le déclencheur.Et la classe politique pendant ce temps ?Les politiciens sont hors jeu pour l’instant.
Les Burkinabè dans leur majorité pensent que le problème du terrorisme est un problème militaire et s’en remettent aux militaires pour le régler.
Par ailleurs, les campagnes de dénigrements et les allégations de malversations et de corruption ont tellement émaillé le règne de Roch Marc Christian Kaboré qui nous en sommes arrivés au climat du “Tous pourris” !Bref les politiciens savent qu’ils ont pas le vent en poupe, et ne protestent même pas de leur mise à l’écart par le MPSR.
Or il faut dire ce qu’il est. Le MPSR a promis un “gouvernement de combat”, mais ne l’a composé qu’avec des néophytes !
Conclusion
Nous terminons l’année comme nous l’avons commencé, avec une violente campagne de dénonciations de corruption.
Les récentes révélations de l’activiste Ibrahim Maiga, proche du MPSR depuis ses origines, ressemble furieusement à sa campagne contre le gouvernement MPP fin 2021 début 2022.Mais cette fois-ci contre Damiba.
De même, cette séquence avait commencé avec l’arrestation du lieutenant-colonel Zoungrana pour préparation de coup d’état, et il vient d’être interpellé à nouveau pour même motif…Il y a comme un sentiment de déjà vu, de répétition.
La seule nouveauté, c’est le reversement d’alliance stratégique qui n’est pas encore clairement assumé.
Issouf Ouédraogo, éditorialiste
eclairinfo.net